UNE VIE SANS POILS : Sophie parle de sa maladie
Selon le magazine Science et vie, le corps humain compte en moyenne 5 millions poils, cheveux inclus. Étonnamment, Il y a plus de poils repartis sur notre corps que d’habitant dans des pays comme le Qatar, le Gabon, la Jamaïque au moment de la rédaction de cet article. Pour certains, ces genres de rapprochement n’ont pas lieu d’être car le corps humain recèle tellement de surprise que de pareilles comparaisons deviennent aberrantes ; ce qui est en partie véridique.
Cependant, nos propos dépassent de loin la comparaison, ils se veulent être une parole qui conduit vers une remise en question de l’image mentale de notre corps, de notre aspect physique et de son importance dans la vie de tous les jours. De plus, ils incitent à redéfinir les critères de beauté ou de laideur qui ne sont que des acquis de la socialisation menant parfois vers une stigmatisation de l’autre.
Le nombre de poils n’est pas immuable, statique, de même que le nombre d’habitant dans les pays susmentionnés. Les gens naissent, vieillissent et meurent ; les poils naissent à partir des follicules pilleux, ils vieillissent et meurent. Ainsi, 5 millions reste un nombre comme tant d’autres, et ne peut être considéré comme une valeur normative. Le nombre de poils varie d’une personne à une autre, d’autant plus que l’être humain dans son rapport à l’environnement est exposé à de nombreuses maladies ennemies des poils et des cheveux. L’expérience de Sophie est un exemple flagrant.
Histoire de Sophie
L’histoire débute lorsque les parents de Sophie constatent une perte continuelle et excessive des cheveux et des poils de leur fille de 3 ans. Dans la foulée, ils décident de faire un rasage complet de ses cheveux espérant que dans les jours qui suivent les cheveux repousseront avec une texture « normale ». Depuis, ils ne remarqueront aucune repousse. Ce fut le point de départ d’une vie sans poils, ni cheveux pour Sophie.
Manman m ak Papa m te toujou di m depi lè m gen 3 zan cheve m te komanse tonbe aprè sa manman te vinn raze tèt mwen apre sa yo rete yo pa janm pouse ankò.
Au fil des années, Sophie perd sourcils, poils des jambes, des cuisses, des bras jusqu’à n’en plus avoir nulle part. Elle se souvient des rares fois qu’elle avait vu quelques poils comme si s’était dans une autre vie. Les cheveux et les poils n’ont jamais fait partie de l’image qu’elle se faisait de son corps.
M te toujou grandi ak tèt mwen ki kale
Jusqu’à ces 14 ans, elle espérait rejoindre un corps recouvert de poils et des cheveux bien garnies. Elle espérait être conforme aux normes de beauté des autres, et croyait que les cheveux et les poils offriront une victoire contre ses détracteurs. Elle ne vivait plus avec des cheveux mais pour des cheveux.
Lè m te timoun, le m te gen ant 6-14 lane, lè sa m te kòmanse gen konsyans, m te toujou mete nan tèt mwen fòk mwen gen cheve pou m menmjan ak tout moun, pou m te ka fè yon glow up pou ane sa a, m ta imajine lè m te gen cheve kijan m ap ye ? eske m ap lèd ? eske m ap bèl ? obsesyon m sete gen cheve ! M te yon moun ki te vle cheve l pouse paske ann di se ak sa lavi m te rezime.
Entre traitement de la médecine moderne et ceux de la médecine traditionnelle Haïtienne, Sophie essaie diverses méthodes thérapeutiques. La grande majorité n’auront aucun effet bénéfique tandis que d’autres auront des effets minimes et éphémères. Ni les traitements ni les thérapeutes ne parviennent à faire repousser ses cheveux et poils.
Qu’est-ce qui seraient en cause ?
Du fait de l’impact physique et psychologique engendré, la perte de cheveux est un motif de consultation fréquent en médecine de premier recours et en dermatologie. Elle peut être de cause multiple. Régulièrement, des cheveux atteignent la dernière phase (telogène) de leur cycle et tombent, ce qui amènent à une perte normale de 100 cheveux par jour. Mais le cycle normal du cheveu permet que les cheveux soient remplacés tous les trois à cinq ans sans visibilité conséquente à cette perte.
Selon la Revue médicale Suisse, les pertes anormales de cheveux portent le nom « d’alopécie ». Selon l’origine, on en distingue deux types : l’alopécie cicatricielle et l’alopécie non cicatricielle. Les alopécies cicatricielles sont caractérisées par une destruction définitive et irréversible du follicule tandis que les alopécies non cicatricielles sont la conséquence d’un état réduisant ou ralentissant la croissance du follicule. Chaque catégorie regroupe un ensemble hétérogène de maladie pouvant aboutir à la perte anormale de cheveux.
Dans le cas de Sophie, la médecine a été placée au second plan par ses parents car ils attachaient l’aspect physique de leur fille à une cause surnaturelle. De plus, l’unique médecin dermatologue visité n’a pas pu mettre un nom sur sa maladie. Sophie étant à la fois courageuse et curieuse s’est mise dans la recherche sur le net à propos de sa maladie jusqu’à s’identifier à une personne souffrante d’alopécie universelle ou pelade universelle.
Lè mwen gade mwen ki diferan tip pelade yo, m wè pelade ódinè yo, m di non sa pa pa m lan paske m pa gen cheve menm. M tcheke toujou m vin tonbe sou yon "pelade universel" . Mwen fè rechèch toujou, M vinn wè imaj moun yo moutre ki fè pelad inivèsèl lan m lan se komsi sete mwen li te ye, paske m pa gen ni sousi, m pa gen ni plim je, m pa gen ni cheve e tou.
L’ alopécie universelle
L’alopécie universelle est la forme la plus sévère d’une pathologie l’alopecia areata, un type d’alopécie non cicatricielle. Ce dernier correspond à une perte brutale de cheveux ou de poils due àune inflammation des follicules pileux, la zone de production des poils. Elle peut être localisée ou atteindre tout le corps (dans ce cas, on parle d’alopécie universelle).
L’alopécie universelle est une maladie génétique, c’est-à-dire transmise de parent à l’enfant par des gènes.
Pour Sophie, sa situation est conforme à la description de la maladie. D’autant plus qu’elle a été informée de l’existence d’un cousin de son père qui souffrait d’une perte de cheveux et de poils identique à la sienne. Néanmoins, son diagnostic reste à être confirmée ou infirmée par un professionnel de santé qualifié.
En dehors de l’alopécie, Sophie existe. Elle respire, mange et boit comme tout le monde. Elle connait joie, surprise, tristesse et peur, colère et dégoût comme tout le monde. Et pourtant, elle est souvent stigmatisée, ce qui lui amène à se poser des questions existentielles.
M konn ap mande tèt mwen eske gen moun ki ap renmen m janm ye an ?
Jusqu’à ces 18 ans, elle était en désaccord total avec son corps et maintenait une image négative de celui-ci. Aujourd’hui, elle est plus confiante que jamais et inspire d’autre jeune souffrante de la même maladie grâce à son compte TIKTOK. Dans une société où elle était dans l’obligation de se cacher sous les maquillages afin d’éviter les regards et commentaires désobligeant à cause de sa beauté décriée, Sophie s’est créé un monde où elle se sent elle-même. Très jeune, elle s’est initiée au maquillage en se maquillant pour sortir. Maintenant, elle est une artiste incomparable et offre des « soins de beauté ».
Sophie, comme beaucoup d’autres jeunes de sa génération, souffre d’une maladie qui modifie son aspect physique. Mais la plus grande souffrance provient des blessures occasionnées par des commentaires dégradants d’individus qui agissent soit par méchanceté ou par ignorance. Parfois, les mots peuvent guérir mais ils peuvent aussi détruire. Comme déjà mentionnées au début, aucun attribut corporel ne peut être présent chez tous le monde, car nous sommes tous différents. Ce qui est normale, c’est la différence.
RESTONS HUMAIN !
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